« Les chaînes révolutionnent les méthodes de gestion
et de commercialisation, dans un secteur artisanal et traditionnel. Les nouveaux
paramètres de la demande nécessitent la mise en place de stratégies adaptées,
comme la standardisation du produit, la segmentation fine du marché ou le choix
d’implantation géographique. » [1]
Un constat visuel :
Les périphéries de
villes moyennes ou importantes, les zones jouxtant les aéroports, les
autoroutes urbaines ou rocades ont vu progressivement leur paysage évoluer
durant les vingt dernières années. L’une des empruntes les plus profondes sur
ces territoires est l’enseigne.
L’enseigne hôtelière
est aujourd’hui l’un des types d’enseigne les plus visibles à l’échelle des
territoires périurbains et des agglomérations françaises. Comment cela
s’explique-t-il ? Quel a été le faisceau de causalités qui a favorisé
cette multiplication d’équipements ?
Une typologie :
Définitions[2] :
- « Chaîne : regroupement
sous une enseigne commune d'unités d'accueil présentant des
caractéristiques homogènes, définies par une charte de qualité des
équipements et des services. En général les exploitants de ces unités
d'accueil bénéficient de services collectifs tels qu'une centrale de
réservation et une centrale d’achat. »
- « Chaîne
intégrée :
Chaîne regroupant des unités d'accueil exploitées par la même entreprise,
et à laquelle peuvent être associées des unités d'accueil franchisées. »
Notre propos n’est pas
ici de revenir sur la définition précise des trois secteurs de l’hôtellerie
(chaîne intégrée, chaîne volontaire et hôtellerie indépendante), il nous faut
néanmoins stipuler que la forte caractéristique de la chaîne intégrée réside au
niveau du « pricing » (l’enseigne correspond à un prix qui doit être
stable pour un produit qui coïncide aux attentes du client : là est la
principale innovation de la chaîne intégrée). Cette politique ne pouvait que s’exprimer à travers l’enseigne,
ainsi, nous ne traiterons pas trop ici des logiques globales des groupes, de
leurs alliances ou de leurs stratégies d’acquisition à grande échelle. Notre
propos sera bien plus axé autour de la notion de produit et d’enseigne :
la traduction spatiale de ces objets étant plus évidente à montrer dans cette
optique.
L’offre des chaînes intégrées pouvant se décliner selon les notions de « largeur » et de « profondeur », nous avons jugé utile de cerner schématiquement le territoire des services et des produits dès à présent afin de mieux appréhender les points suivants (notamment en ce qui concerne la question du produit et de la spécialisation de l’enseigne).
C’est (comme souvent dans l’histoire économique) sur le
constat de bouleversements sociaux et économiques que s’est crée le secteur des
chaînes intégrées. Le constat d’une mobilité géographique accrue, une diffusion
des échanges à plus grande échelle (qui tendait de plus en plus à
l’internationalisation), une tertiarisation des activités notable, l’élargissement
du segment de clientèle « corporate/buziness » sont autant d’éléments
qui peuvent être cités pour expliquer l’émergence rapide des chaînes intégrées.
Marie David les cite successivement dans son mémoire[1]
mais il nous semble que c’est plus par la co-intégration de ces données (sous
le terme simple de « mondialisation ») que peut s’expliquer
réellement l’apparition des chaînes intégrées dans le marché hôtelier français.
Le constat amène des entreprises naissantes à mettre
rapidement en place des produits cohérents se distinguant par leur homogénéité.
La localisation de ces produits posait alors moins de problème
qu’aujourd’hui : le cœur de cible (évalué selon la distance et les
revenus) constitué d’une clientèle d’affaires devait pouvoir trouver une offre
urbaine ou périurbaine bien identifiée. A ce titre, le choix de Lille en 1967
(qui à l’époque n’accueillait que peu de visiteurs d’agrément) comme première
implantation de Novotel (Groupe Novotel SIEH - Jacques Borel International qui
deviendra ACCOR en 1983) n’est pas neutre.
LA DONNE EXTERIEURE :
La concurrence s’affirme parallèlement à la croissance du
secteur. Dans le courant des années 80, deux faits économiques donnent un à-coup
à l’activité qui mérite d’être signalé :
- à partir de la Commission Delors survient en Europe une
déréglementation aérienne (qui s’échelonnera sur 10 ans) qui accentue la mise
en concurrence aérienne et met en exergue le recours aux charters. Ce fait aura
notamment son importance par rapport à une clientèle-corporate qui sera
désormais de plus en plus large.
- Surtout, le prix
minimum imposé au niveau de la chambre disparaît en France dans la deuxième
moitié des années 80.
Il nous faut rappeler que l’un des aspects fondamentaux des
chaînes intégrées réside dans son caractère international : la mise en
réseau que favorise l’enseigne assure ainsi l’efficience de cette dernière. Si
notre réflexion se situe à l’échelle du territoire français, il ne faut pas
oublier que cette vocation internationale des chaînes intégrées a des effets
majeurs sur la concurrence comme sur les
modalités de distribution (nous y reviendrons plus loin).
L’évolution du secteur prend un tour décisif à partir du
moment où l’hôtellerie indépendante passe en phase de réaction : les
indépendants se rassemblent en mettant sur pied des produits plus cohérents et
homogènes. Les chaînes volontaires qui reposent sur des réseaux économiques
souples se dotent rapidement de centrales de réservation efficaces. La
concurrence s’accentue donc au cours des années 90.
CONCENTRATION, SPECIALISATION ET DIVERSIFICATION :
Peu à peu, les groupes (ACCOR, ENVERGURE, SIX CONTINENTS
HOTEL, CHOICE HOTEL, …) se structurent et affermissent leur position sur le
marché. Marie David appelle ce mouvement « la course à la taille critique[2] ».
Ce qui nous intéresse ici est la traduction spatiale de cette course : les
chaînes intégrées ayant des cibles communes cherchent à s’implanter dans des
espaces similaires[3].
La saturation spatiale des équipements est l’une des
expressions de la saturation du marché.
D’autant que dès le début des années 90, une
« surcapacité générale du secteur [entraînée par] une
croissance longue et régulière de la demande »[4]
est constatée.
Afin de pouvoir pénétrer dans le marché, certains groupes se
basent sur une politique dite « de niche ». Il s’agit de réfléchir à
partir d’une clientèle très ciblée sur les besoins de celle-ci. Afin de pouvoir
se différencier, on a recours à une enseigne correspondant à un produit
spécifique.
Même si on considère généralement que « la marge
d’innovation est faible en hôtellerie »[5],
il demeure possible de cibler l’offre sur un service particulier[6]
(par exemple une offre en matière de parking) de manière à en faire un trait
saillant facilement reconnaissable par la clientèle visée.
Par ailleurs, certaines enseignes lancent des produits
innovants. Par exemple, dans le cas d’APART’HOTEL, l’offre se constitue de
studios et de deux-pièces équipés avec kitchenette pour
essentiellement une clientèle d’affaires (pour 80%. Les week-end et les
vacances favorisant plus des remplissages de clientèles d’agrément qui sont
considérées ici comme une clientèle complémentaire). Cette offre originale a
ainsi permis au groupe initiateur (CITADINES) de bénéficier de l’avantage du
premier entrant sur le marché et ainsi d’instaurer une politique commerciale de
leader. Le lancement de ce type de produit suppose toutefois d’avoir pratiqué
préalablement un « sourcing » conséquent (dans le cas des
APART’HOTEL, il fallait par exemple pouvoir identifier une clientèle ayant
besoin d’un service de type « 6 nuits »).
Le développement des chaînes intégrées en France a donc
participé pour l’essentiel d’une double dynamique :
- la concentration des groupes par le biais notable de la
diversification (ce qui a été le cas du Groupe ACCOR),
- une émergence par voie de spécialisation d’enseignes
« de niche » (notion de « micromarket »).
Il nous faut à présent énoncer les modalités de distribution
des enseignes qui ont eu le temps de fortement évoluer en vingt ans, et ce
notamment à travers de l’essor d’Internet.
LA DISTRIBUTION :
Les canaux de distribution sont bien entendu, au même titre
que le produit, adaptés à la cible visée. Les techniques de distribution font
appel :
- aux TO nationaux et/ou internationaux,
- aux réseaux d’agence de voyage et des « relocation
agencies »,
- plus marginalement, aux Comités d’Entreprise,
- au recours aux « implants ».
Le recours à ces méthodes de distribution indirecte se
traduisant généralement par des commissions (notamment par les TO), les
enseignes au profil de challenger peuvent choisir de travailler sur des
modalités de vente directe, ce qui se traduit en investissements lourds en
termes de publicité (achat d’espace publicitaire : affichages, radio,…).
L’exemple des RESTHOTELS PRIMEVERE (produit challenger en émergence par rapport
à un produit leader : à l’époque CAMPANILE) a pu nous renseigner sur le
sujet.
Les supports « papier » qui étaient autrefois
prédominants sont progressivement remplacés par le référencement Internet. Cet
outil continue à l’heure actuelle de bouleverser les modalités de distribution.
[1] Cf. Note 1. page 1.
[2] Cf. Note 1. page 1.
[3] Ces espaces sont décrits en introduction, on peut cependant préciser ici l’importance des centres-villes des villes dites de congrès qui n’a pas été mentionnée jusqu’ici.
[4] Cf. Note 1. page 1.
[5] M. Frachon. Cours du 10 décembre 2005.
[6] Cf. largeur et profondeur de l’offre en page 2.
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