Le projet « écosite du Bourgailh » a pour source
d’inspiration principale un réseau de sites similaires disséminés en Europe,
avec, à la base, le premier projet de ce type : l’écosite du Pays de Thau,
à Méze.
La définition officielle de ce « concept » par le
groupe ECOSITE :
«Un Ecosite est un centre
d’activité au périmètre géographique clairement délimité, agissant en faveur de
l’environnement et intégrant des activités de démonstration, d’innovation, et
de transfert de connaissance répondant aux exigences de développement durable ».
La municipalité de Pessac (à
l’ouest de l’agglomération bordelaise) souhaitant à la fois réaliser une
coupure d’urbanisation à l’ouest par le biais d’une « coulée verte »
et réhabiliter un secteur qui abritait autrefois une décharge de déchets
ménagers (devenue depuis la « colline du Bourgailh ») et, jouxtant
celle-ci, un cimetière communautaire ; un réaménagement complet de cette
zone (de superficie de 170 hectares)
a été envisagé il y a près de cinq ans. Une solution de réhabilitation a été
apportée : l’écosite, « un grand
pôle " Nature et
Environnement " exemplaire sur le plan de son traitement
environnemental et capable d'accueillir 400 000 visiteurs par an, [ce qui] représente
un enjeu économique pour l'agglomération ».
Ce qui distingue nettement
l’écosite du Pays de Thau de celui de Pessac est la grande diversité des
activités que suggère ce dernier, le futur « pôle nature » sera en
effet composé :
« - d’un
aménagement forestier de type voie douce avec des belvédères d’observation,
- de la
Maison de l’écosite, espace d’information pour le public,
- d’une
serre présentant une collection de plantes tropicales,
- de la
colline [l’ancienne décharge] habillée de plantations de bruyères,
- d’un
parc à thème consacré à l’oiseau,
- d’un
pôle d’activités qui accueillera des entreprises présentant des process
innovants en matière d’environnement,
- d’un
parc résidentiel de tourisme composé de bungalows en bois ».
Concrètement, ce projet est
porté par de nombreux acteurs (qui figurent intégralement en annexe dans la
Charte de qualité environnementale et paysagère) dont la Mairie de Pessac, la
Communauté Urbaine de Bordeaux, le Conseil Général de la Gironde, le Conseil
Régional Aquitaine et l’Association (de type 1901) Ecosite du Bourgailh. Les
partenaires privés, gestionnaires et exploitants seront immanquablement
convoqués à l’avenir pour ce qui concerne le « pôle d’activités », le
parc à thème et le parc résidentiel de tourisme.
La réalisation de ces
équipements lourds ne se fera que dans une phase ultérieure du projet annoncée
pour la période 2006-2008, pour l’heure, seul le « paysagement »
de la colline ainsi que « l’aménagement de la forêt » et la pose des
belvédères ont été faits.
L’ECOSITE : POURQUOI ?
POUR QUI ?
La question se justifie dans le
sens où les objectifs de ce projet ne semblent pas si évidents à
identifier : la lisibilité de ce type d’occupation de l’espace est loin
d’être parfaite. Ce qui est clair au contraire c’est que nous nous trouvons
face à un « objet géographique » (puisqu’il est très marqué par son
caractère délimité) composite et complexe, ce dernier étant présenté comme étant à la fois :
- un
espace de découverte et de rapport direct à la « nature » lié à des
pratiques « de nature » : la promenade, l’observation ;
- un
espace dédié à la recherche scientifique ; un espace de pédagogie et de
« responsabilisation » du public, où l’offre équivaut au savoir
dispensé ;
- un
espace de loisirs (« une enclave dans l’enclave » dans la mesure où
l’entrée dans le parc à thème sera payante) et enfin,
- un
espace de tourisme.
De la même façon, on peut se
demander qui seront les principaux utilisateurs de ce site. La mairie de Pessac
a souhaité que l’écosite soit mis en relation directe et en continuité avec
d’autres espaces verts communaux (le Bois des sources du Peugue, le bassin du
cap de Bos) et ce afin de constituer une vaste « coulée
verte » : parmi les principaux bénéficiaires de l’aménagement, nous
pouvons donc d’ores et déjà citer les administrés. A ce propos, l’un des
membres de l’Association Ecosite rappelait
que deux syndicats de quartiers sont représentés au Conseil d’Administration de
l’Ecosite (ce qui participe des modes opératoires des projets liés au
« développement durable » : impliquer la population locale). Cependant,
la Charte de qualité environnementale et paysagère indique comme objectifs du
projet :
- « Mettre
en scène la Nature et […] expliquer sa diversité et l'importance de sa
préservation à un public local et régional à travers des animations issues du
tourisme Nature. » ainsi que :
- « Présenter
à un large public des activités économiques reflétant la réalité concrète du
développement durable urbain, gage pour les générations futures d'un
environnement naturel sain accompagnant un cadre de vie agréable où la
pérennité économique est assurée. »
En somme, le public éventuel
étant qualifié à la fois de « local », de « régional » et
de « large », on comprend mieux pourquoi la municipalité espère voir
400.000 visiteurs pénétrer dans le site par an.
Ce type de projet vise-t-il à la
complémentarité ou traduit-il au contraire une volonté de multiplier sur un
espace clos des équipements susceptibles de répondre à nos besoins divers
(apprendre, se divertir, se délasser, découvrir) ? Surtout, qu’elle est la
place réelle accordée dans ce cadre à la « nature » ou à
« l’environnement » ?
Sur le « forum » du
site Internet de l’Association « Ecosite du Bourgailh », lorsque se
pose la question de la viabilité du futur parc à thème, la réponse a le mérite
d’être claire :
« Les études précédemment
réalisées par les sociétés Imaginvest puis Extel ont confimé l'existence d'un
vrai marché et une carence régionale de l'offre en parc à thème. Elles estiment
bien le potentiel de fréquentation de ce parc à 400 000 visiteurs annuels.
Une étude réalisée récemment par le Ministère du Tourisme auprès du public
européen confirme plutôt son intérêt pour les parcs dédiés à la nature, aux
présentations animalières et végétales, ce qui est le thème retenu pour le
Bourgailh. »
Dans ce cas, l’existence d’un
« vrai marché » et d’une curiosité générale
(« européenne ») portant sur la « nature » justifie-t-elle
le « paysagement » d’une ancienne décharge et « l’aménagement de
forêts » ?
UN ECOSITE
D’AGGLOMERATION : UNE SIMPLE CONTRADICTION ?
La démarche engagée par la
mairie de Pessac vise à créer une traduction spatiale de l’implication d’une
collectivité locale dans la mise en application du développement durable, ce
qui du reste semble constituer une préoccupation de plus en plus courante dans
la vie politique locale…
La forte artificialisation
induite par l’élaboration de ce qui, au final, pourrait aussi bien être
considéré comme un vaste parc est-elle réellement contradictoire avec ce que
l’on appelle communément « les enjeux du développement
durable » ? Il est certain que nous sommes loin des modalités de mise
en valeur d’une réserve naturelle. Pour autant, pouvons-nous nier l’intérêt du
projet sous prétexte que l’agglomération bordelaise ne correspond pas tout à
fait à l’idée que nous nous faisons de « l’espace naturel » ?
Si l’objectif premier du site
est de renseigner, éduquer ou sensibiliser (par le divertissement ou par
l’évènementiel) un public (touristique ou non), le « pôle nature »
peut se résumer en un simple support ; peu importe dès lors que ce dernier
soit effectivement « naturel » ou pas. Ce qui compterait alors serait
bien plus le fait que ce support soit tangible, concret, délimité.
La Charte est explicite sur ce
point : l’écosite doit être « une vitrine du développement
durable », ce qui permet d’ailleurs de justifier le recours à la
valorisation du site par un tourisme de découverte et/ou scientifique (plus le
site sera visité, plus l’efficacité du projet sera observable). A moins que le
tourisme soit plus considéré ici comme un outil de rentabilisation permettant
d’affirmer le projet comme «économiquement viable ». D’autant que
l’Association nous a confirmé l’existence « d’une volonté touristique
forte » de la
part de l’ensemble des partenaires concernés et en particulier de la part des
pouvoirs publics.
Encore une fois, le rôle du
tourisme dans ce projet, du moins dans le discours, relève d’un certain flou.
Il nous faut également noter que, toujours dans le discours, la distinction
entre « fréquentation », « public » et
« touriste » ne semble pas nette (ce qui ne surprend pas tant que
ça : traditionnellement, « on informe et on responsabilise un
public », « on espère une fréquentation de 400.000 visiteurs »
et on ne mentionne pas le touriste).
CONCLUSION :
Ce type d’utilisation de
l’espace trouve sa signification dans un contexte de création de sites dont les
objectifs sont pluriels mais qui ont comme vocation première la concrétisation
matérielle et perceptible des principes du « développement durable ».
Or, cette matérialisation, très largement portée par la puissance publique,
s’avère difficile à mettre en place en dehors du cadre du projet territorial ou
du projet touristique.
La diffusion des ces aménagement
qui sont pour certains en cours de labellisation
(même si ce n’est pas le cas pour l’écosite qui nous intéresse présentement) semble
en bonne voie, à tel point que l’on peut éventuellement se demander si ce qui
fonde la singularité de ces sites actuellement ne sera pas à un moment donné
menacé et si un glissement ne s’opérera pas : d’une forme d’aménagement
originale impliquant un tourisme de découverte émergent à un équipement publique plus classique. En
effet, pour une commune disposant d’une suffisante marge de manœuvre en termes
de foncier, les avantages d’une démarche écosite sont a priori nombreux dans
la mesure où cela lui apporte un projet d’intérêt par rapport à la question du
développement durable, dans lequel les avantages économiques induits par un
tourisme de découverte et/ou scientifique (si possible intégré aux itinéraires
touristiques préexistants) permettraient une rentabilité suffisante.
Il nous faudra ainsi suivre
attentivement l’évolution du projet de l’écosite du Bourgailh et attendre sa
réalisation définitive afin de pouvoir évaluer l’intérêt réel qu’il suscite
auprès du public, ce qui demeure une inconnue dans l’équation, au même titre
que pour tout type de projet territorial touristique.